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Genre, pauvreté et intervention sociale

Publié le 15 septembre 2021 Mis à jour le 8 juillet 2022

Séminaire co-organisé par l'IDHES et le laboratoire Printemps de l'UVSQ.

Date(s)

du 7 octobre 2021 au 9 juin 2022

Lieu(x)
Université Paris Nanterre
Bâtiment Weber, 2e étage, salle 221
Comment venir ?

ou
Université Versailles Saint-Quentin (UVSQ),
Bâtiment Vauban

ORGANISATION

Marie Loison-Leruste | Université Sorbonne Paris Nord, Printemps
Louise Lacoste | Université Paris Nanterre, IDHES
Mathilde Sempé | Université de Lorraine, 2L2S, UVSQ, Printemps
Alix Douillet | EHESS, CMH
Anne-Léa Bauquis | EHESS, CMH
Soizic Paillou | Sciences Po


 

PRÉSENTATION

Ce séminaire a pour objectif d’engager une réflexion sur les thématiques permettant d’articuler le genre avec la « question SDF » (Damon, 2002), et plus généralement avec la pauvreté et l’exclusion. En replaçant les rapports sociaux de sexe au cœur de l'analyse, nous souhaitons dépasser la catégorisation des personnes sans domicile (migrantes, roms, SDF, sans-papières...) pensée par les politiques publiques pour souligner des similitudes tant dans les modes de prise en charge que dans les trajectoires des différents publics de l’intervention sociale et médico-sociale. La segmentation de ce champ allant de pair avec le morcellement des recherches sur les personnes en situation d’exclusion et de précarité (liée au logement, aux droits, à l’emploi, à la santé, etc.), nous pensons utile de faire dialoguer des travaux universitaires sur ces différents objets.

Le genre a en effet longtemps été ignoré dans les travaux sociologiques sur l’exclusion et la grande pauvreté. Les travaux sur les personnes sans domicile ne font pas exception. Depuis une vingtaine d'années seulement, des recherches consacrées aux femmes sans-domicile émergent dans la littérature francophone. Elles ont été réalisées en deux vagues : les premiers travaux apparaissent dans les années 1990-2000, alors que les dispositifs à l’intention des sans-domicile se diversifient et se déploient depuis les années 1980 (Amistani, 1999, 2001, 2003, 2005 ; Celerier, 2003 ; Laberge, Morin et Roy, 2008 ; Lanzarini, 2003 ; Lecomte et al., 2007 ; Marpsat, 1999 ; Thalineau, 2004 ; Vidal-Naquet, 2003a, 2003b, 2005) et une seconde vague de recherche se développent depuis quelques années (Bauquis, 2019 ; Douillet, 2020 ; Lacoste, 2019 ; Lanzaro, 2018 ; Loison-Leruste et Perrier, 2019 ; Marcillat, 2014 ; Maurin, 2017 ; Mayol, 2012 ; Paillou, 2020), avec des interrogations renouvelées par l’apparition de « nouveaux » visages de l’exclusion : jeunes, personnes âgées, familles, etc. 

Si le sexe a constitué une variable d’analyse permettant de comprendre l’avantage relatif des femmes pour monter les « marches de l’escalier » (Sahlin, 2005) de la prise en charge (Marpsat, 1999), le genre a jusqu’à récemment été peu pris en compte dans les analyses de ce paysage institutionnel, caractérisé par la segmentation, la concurrence et la hiérarchie de son offre (Brousse, 2006 ; Loison-Leruste et Petiau, 2018 ; Sempé, 2018 ; Soulié, 1997). Il constitue également un angle mort dans la pratique de la majorité des acteurs et actrices de l’intervention sociale (Bessin, 2009). Pourtant, le genre structure les trajectoires institutionnelles et les parcours de vie des femmes dans la mesure où il constitue pour elles à la fois un facteur de protection et de vulnérabilité (Loison-Leruste et Perrier, 2019). C’est à travers ce prisme du genre que deux questions transversales, qui renvoient à deux des mécanismes spécifiques et caractéristiques des trajectoires et de l’intervention sociale auprès des femmes sans domicile et précaires, pourront nourrir les échanges :  celle de l’invisibilité et celle des violences de genre.

L’invisibilité des femmes sans domicile est construite à la fois par les acteurs et actrices de l'intervention sociale et par les femmes elles-mêmes. Jugées plus vulnérables, les femmes sans domicile sont la cible prioritaire d’une politique genrée et familialiste, ce qui explique sans doute en partie qu’elles soient un peu moins nombreuses à être sans domicile que les hommes et très rarement sans-abri. Cette différenciation de sexe effectuée par l'intervention sociale invisibilise pourtant les femmes sans domicile. Elles sont moins repérables dans les représentations sociales et leurs caractéristiques sont relativement méconnues. Par ailleurs, les femmes sans abri sont elles-mêmes actrices de stratégies afin de se protéger dans l’espace public. Ces stratégies peuvent les conduire à effacer ou à renforcer les marqueurs de leur genre, ou encore à éviter certains dispositifs d'urgence sociale (Loison-Leruste et Braud, 2022).

La seconde question transversale est celle des violences de genre que les femmes subissent tout au long de leurs trajectoires de vie. A l'intersection de rapports de classe, de race et de sexe, elles ont des conséquences sur les trajectoires et les conditions de vie quotidienne des femmes précaires. Ces violences peuvent aussi se produire et se reproduire à travers les modes de prise en charge des femmes sans domicile : à la fois dans l'organisation de l'hébergement institutionnel, mais aussi dans les modalités pratiques de l'intervention sociale au sein des dispositifs existants. 


 

PROGRAMME

Jeudi 7 octobre 2021, université Paris Nanterre, bâtiment Weber, salle 221

Genre et histoire

Axelle Brodiez, historienne, Centre Norbert- Elias

Amélie Rabine, historienne, Université Paris 8

Jeudi 20 janvier 2022, 13 h 30 – 16 h 30 – université Versailles Saint-Quentin, salle 434

Genre et migration

Louise Virole, sociologue, Université de Paris

Camille Schmoll, géographe, Université de Paris
 

Jeudi 24 mars 2022, 13 h 30 – 16 h 30 – université Versailles Saint-Quentin, amphi 7

Genre et hébergement

Noémie Stella, Joséphine Sauvaire

Mauricio Arenda
 

Jeudi 12 mai 2022, 14 h 30 – 17 h 30 – université Paris Nanterre, bâtiment Weber, salle 221

[Séance initialement prévue jeudi 21 avril]

Genre et insertion par le travail

Alice Krzystofik

Estelle Miramond
 

Jeudi 9 juin 2022, 13 h 30 – 16 h 30 – Lieu à préciser

Genre et institutions

Marinne Quennehen, sociologue, Ined

Natacha Chetcuti-Osorovitz, MCF, HDR en sociologie CentraleSupélec et IDHE.S


 

BIBLIOGRAPHIE

Amistani C., 1999, « Des femmes SDF: réflexion générale sur une recherche en cours », Le nouveau Mascaret, 55, p. 41‑47.

Amistani C., 2001, Les femmes sans domicile : rapports à l’institution, systèmes de valeurs et éducation informelle, Thèse de doctorat en Sciences de l’éducation, Paris 13, 544 p.

Amistani C., 2003, « Les femmes sans domicile : domination sociale et ambiguïté de la prise en charge », dans Gaboriau P., Terrolle D. (dirs.), Ethnologie des sans-logis: étude d’une forme de domination sociale, Paris, Harmattan (Collection Logiques sociales), p. 111‑145.

Amistani C., 2005, « Femmes sans domicile et institutions: une visibilité ambiguë », dans Les SDF: visibles, proches, citoyens, Paris, Presses universitaires de France (Sciences sociales et sociétés), p. 39‑50.

Bauquis A.-L., 2019, « Les dispositifs d’hébergement parisiens destinés aux femmes sans domicile. Des “ghettos” de femmes migrantes reléguées aux portes de la société française »,.

Bessin M., 2009, « Focus - La division sexuée du travail social », Informations sociales, 152, 2, p. 70‑73.

Brousse C., 2006, « Le réseau d’aide aux sans-domicile : un univers segmenté », Économie et Statistique, 391, 1, p. 15‑34.

Celerier S., 2003, « Marges du travail et pauvreté. Enquête auprès de femmes hébergées dans des structures d’urgence », Les Cahiers d’Evry, Evry, Centre Pierre Naville.

Damon J., 2002, La question SDF. Critique d’une action publique, Paris, Presses universitaires de France (Le lien social), 277 p.

Douillet A., 2020, « L’exposition aux regards des femmes sans-abri : connaître, protéger et reconnaître »,.

Laberge D., Morin D., Roy S., 2008, « Chapitre 5. L’itinérance des femmes: les effets convergents de transformations sociétales », dans Sainte-Foy, Éd. Multimondes ; Numilog, p. 83‑99.

Lacoste L., 2019, « Quand le sexisme devient ordinaire. Rapports sociaux et volences de genre dans une structure d’insertion par l’activité économique »,.

Lanzarini C., 2003, « Survivre à la rue. Violences faites aux femmes et relations aux institutions d’aide sociale », Cahiers du Genre, 35, 2, p. 95.

Lanzaro M., 2018, « Femmes et hommes sans domicile : un traitement préférentiel ? », dans Le monde privé des femmes: genre et habitat dans la société française, p. 173‑190.

Lecomte Y., Lapointe M.-E., Ouellet G., Caron J., Laval C., Stip E., Gagné J., 2007, « Vivre dans la rue et la représentation de soi des femmes. Une étude exploratoire », dans L’itinérance en questions?, Québec, Presses de l’Université du Québec (Collection Problèmes sociaux & interventions sociales), p. 333‑353.

Loison-Leruste M., Braud R., 2022, « Le sans-abrisme au féminin. Quand les haltes pour femmes interrogent les dispositifs d’urgence sociale », Travail, genre et société, 48.

Loison-Leruste M., Perrier G., 2019, « Les trajectoires des femmes sans domicile à travers le prisme du genre : entre vulnérabilité et protection », Déviance et Société, 43, 1, p. 77‑110.

Loison-Leruste M., Petiau A., 2018, « Commande sociologique et recherche-action : un dispositif en tension. Le cas d’une réponse à une association de lutte contre les exclusions », Sociologie pratique, 37, p. 81‑90.

Marcillat A., 2014, « Femmes sans-abri à Paris - Étude du sans-abrisme au prisme du genre », Dossier d’études, Dossier d’études 170, 170, Paris, Caisse Nationale des allocations familiales.

Marpsat M., 1999, « Un avantage sous contrainte: Le risque moindre pour les femmes de se trouver sans abri », Population, 54, 6, p. 885.

Maurin M., 2017, Le genre de l’assistance. Ethnographie comparative de l’accuil des femmes sans-abri (Saint-Etienne/Montréal), Thèse de doctorat en sociologie, Saint-Étienne, Université Jean Monnet et Université de Lyon, 507 p.

Mayol S., 2012, Devenir un bon pauvre. Analyse genrée de la prise en charge des personnes sans domicile, Thèse de doctorat, Paris, Université Paris Descartes, 526 p.

Paillou S., 2020, « La prise en compte du genre chez les femmes sans domicile fixe par les travailleur.se.s sociaux.ales : une mise en évidence des stéréotypes de genre ? »,.

Sahlin I., 2005, « The Staircase of Transition : Survival through Failure », Innovation, European Journal of Social Research, 18, 2, p. 115‑135.

Sempé M., 2018, « Le recul des CHRS : une étude historique du contexte institutionnel d’hébergement social et du fonctionnement des centres d’hébergement et de réinsertion »,.

Soulié C., 1997, « Le classement des sans-abri », Actes de la Recherche en Sciences Sociales, p. 69‑80.

Thalineau A., 2004, « Être femmes à la rue », dans Femmes et villes, Presses universitaires François-Rabelais, p. 113‑121.

Vidal-Naquet P.A., 2003a, « L’errance au féminin », Rapport au ministère de l’équipement, des transports et du logement, Plan urbanisme construction architecture, CERPE.

Vidal-Naquet P.A., 2003b, « L’accueil des personnes sans domicile: la place des femmes », dans Les SDF: représentations, trajectoires et politiques publiques : articles de recherche, La Défense, Plan Urbanisme construction architecture, p. 163‑178.

Vidal-Naquet P.A., 2005, « Les femmes SDF dans le système assistanciel », dans Les SDF: visibles, proches, citoyens, Paris, Presses universitaires de France (Sciences sociales et sociétés), p. 167‑178.

Mis à jour le 08 juillet 2022