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Sport, numérique et marchandisation : des données dans tous leurs états
Journée organisée dans le cadre de la Société de sociologie du sport en langue française (3SLF)
le 28 mai 2024
Journée d’études : 9 h 30 – 16 h
Assemblée Générale 3SLF : 16 h – 18 h
Université Paris Nanterre
Bâtiment Weber, rez-de-chaussée, salle de conférences
200 avenue de la République
92 000 Nanterre
Plan
>> Formulaire d'inscription
Organisation
Bastien Soulé | Professeur des universités, Université Claude Bernard Lyon 1, L-ViS
Yan Dalla Pria | Professeur des universités, Université Paris Nanterre, IDHES
Julien Pierre | Maître de conférences, Université de Strasbourg, E3S
Programme
9 h 30 Accueil
10 h Introduction
10 h 15 – 12 h Première session
Marco Saraceno, MCF, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne, CETCOPRA (UR 2483)
Du geste à l’avatar en passant par les données : ethnographie de la conception d’un instrument de simulation en réalité virtuelle pour la gymnastique artistique
Résumé
La communication présentera un projet de recherche en cours sur l’écosystème sociotechnique de production de jumeaux numériques du geste sportif. L’enquête se base sur l’observation de deux ans de travail d’un collectif d’informaticiens, biomécaniciens et anthropologues engagés dans la conception d’un outil de réalité virtuelle pour accompagner l’entrainement des équipes olympiques de la fédération française de gymnastique. L’objectif de l’ensemble de ces acteurs est de produire un avatar personnalisé pour chaque athlète restituant sa « signature motrice ». En ce sens, le travail consiste à enregistrer les mouvements des gymnastes grâce à des instruments numériques de captation, à recueillir leurs sensations et perceptions à travers des entretiens d’autoconfrontation et à traduire tout cela dans un environnement informatique. Cette configuration implique une circulation et une traduction de données de différentes natures sur lesquelles chaque acteur a un regard, une expertise, des attentes et des intérêts divers. Par exemple : les biomécaniciens cherchent à en tirer des informations pour analyser les conditions de performance, les informaticiens s’efforcent de nettoyer le bruit pour avoir une image 3D propre et pas trop lourde, les entraineurs s’intéressent au réalisme de la représentation du geste, les anthropologues insistent sur la dimension sensible de l’expérience. Cet assemblage hétérogène, auquel a participé de façon ponctuelle également une start-up avec des intérêts marchands dans le marché des applications numériques, révèle toute la complexité du passage de la captation de donnée du mouvement à la production d’un avatar pertinent. Si en effet au départ tous les acteurs s’accordent sur ce qui est l’output du projet, au cours de la réalisation, on s’aperçoit que les attentes et les imaginaires des différentes parties prenantes divergent. Cela semble dû au rapport qu’elles ont avec la gymnastique, avec les technologies de mocap et avec l’écosystème économique de la réalité virtuelle.
Cédric Calvignac, MCF, Université de Toulouse, CERTOP (UMR 5044)
Le mètre-étalon du soi quantifié. À qui les self-trackers peuvent-ils bien se mesurer ?
Résumé
Les technologies d’automesure de soi (ou quantified self) sont le plus souvent présentées comme un moyen simple et direct d’accéder à un savoir enrichi et fiable sur sa personne. Les concepteurs de ces équipements allèguent la transparence de leur procédé pour asseoir d’évidence la légitimité de leurs solutions. Or, ces équipements sont loin d’être aussi neutres et transparents qu’ils ne le prétendent. Ils définissent des métriques, des référentiels, des mètres-étalons qui modulent les calculs et interprétations rendus. Ils sont donc le fruit d’une construction sociotechnique normée dont la médiation a des conséquences sur la façon dont les usagers se perçoivent, se comparent à d’autres, organisent leur quotidien et se préoccupent de leur condition physique. Dans cet article, nous décrivons la variabilité des régimes de calcul observés au sein d’un corpus de brevets d’invention (77) et discutons, aux côtés de médecins, de l’incidence de ces différentes métriques retenues sur les représentations et comportements des self-trackers.
12 h – 13 h 45 Déjeuner
13 h 45 – 15 h 30 Deuxième session
Delphine Azema, Docteure, Université Paul Sabatier Toulouse 3, CRESCO (UR 7419)
Enjeux de l’utilisation et de la mise en forme des données de santé dans le développement d’une application de suivi de la pratique d’activité physique
Résumé
La construction d’outils numériques pour le suivi de l’obésité pédiatrique suscite des interrogations classiques concernant les données de santé, en lien notamment avec l’utilisation de celles-ci ou leur stockage. Pour autant, nous montrons que le travail des concepteurs autour de ces données relève de différents enjeux – éthiques, épistémiques et institutionnels – que nous souhaitons mettre à jour. Une triangulation méthodologique, s’appuyant sur un recueil de données qualitatives, permet de mettre en évidence les espoirs sur lesquels reposent le travail des données, mais également les limites rencontrées par les concepteurs. Nous montrons que le choix des données à récolter dans le cadre d’un outil de suivi de la pratique d’activité physique repose sur des velléités de valorisation de la démarche de prise en charge des concepteurs. Pour autant, la mise en forme et l’utilisation de ces données interrogent au regard de leur pertinence avec les pratiques des soignants et des enfants. En effet, les choix effectués en amont durant la conception de l’application impactent directement les modalités d’intégration de celle-ci dans la prise en charge.
Jean-Sébastien Vayre, MCF, Université Côte d’Azur, GREDEG (UMR 7321)
Des technologies d’intelligence artificielle pour augmenter / suppléer la vigilance des radiologues à l’ère de la médecine de précision
Résumé
Le secteur de la médecine connaît depuis vingt ans une dynamique de rationalisation qui doit permettre aux professionnels de santé de faire face à deux grandes tendances contradictoires : massifier toujours d’avantage leurs offres de services tout en proposant des soins toujours plus personnalisés. Ces tendances contradictoires sont à la source d’importantes tensions que les acteurs cherchent à maîtriser en s’engageant activement dans divers mouvements d’innovation. À l’instar des autres mouvements sociaux, ces dynamiques d’innovation se structurent autour de problèmes socioprofessionnels que les acteurs économiques et politiques construisent publiquement afin de leur permettre de proposer différentes solutions. Ces problèmes et solutions prennent la forme de promesses plus ou moins positives, qui ont pour fonction d’orienter les horizons d’attentes des professionnels de santé et qui doivent ainsi participer à la structuration de nouveaux marchés de biens et de services. Dans cette communication, nous proposons d’examiner la dynamique de production et de diffusion de ces promesses à partir du cas du segment professionnel que constitue la radiologie. Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’analyse des archives de la revue Thema Radiologie et d’entretiens réalisés auprès de concepteurs de technologies d’intelligence artificielle appliquées à l’imagerie médicale afin de montrer comment s’instaure progressivement au sein de ce segment une offre et une demande de dispositifs de vigilance qui doivent augmenter/suppléer celle des radiologues.
Mis à jour le 17 mai 2024