CAMUS, Baptiste

Doctorant en histoire contemporaine, contrat doctoral
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École doctorale : Économie, organisations, société - ED 396 -
Laboratoire : UMR 8533 - Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société (IDHES)

Conseils mixtes à la production, consigli di gestione
et autres expériences de gestion ouvrière des deux côtés des Alpes (1943-1950)

Direction de thèse : Xavier Vigna, Université Paris Nanterre, IDHE.S

Résumé

La fin de la Seconde Guerre mondiale est un moment de grands bouleversements pour le monde du travail. Pour l’Italie, c'est même l’entrée dans une nouvelle phase de rationalisation capitaliste, au cours de laquelle se réalise pleinement la taylorisation des modes de production industriels. Dans toute l’Europe, c'est un moment de redéfinition de ce qu’est l’entreprise… À l’origine de nombre de ces bouleversements se trouve notamment un authentique «mouvement conseilliste », qui secoue une grande part du Vieux Continent. On voit la naissance de conseils de gestion en Pologne, en Hongrie, en Roumanie… ainsi qu’en Italie et en France. On peut citer les quinze usines marseillaises réquisitionnées par le commissaire de la République Raymond Aubrac (une expérience qui dure de septembre 1944 à 1948 et concernera 1400 salariés), mais aussi l’expérience Berliet à Lyon, les usines de Montluçon de Toulouse et de leur région, ainsi que quelques cas isolés, comme Fouga à Béziers ou les cimenteries Lafarge au Teil… En Italie, la plupart des grandes entreprises sont concernées, la FIAT à Turin, la Olivetti à Ivrea (étudiée par Stefano Musso), la Montecatini… Partout l’autorité du capital est contestée et les ouvriers prennent le contrôle des entreprises. Après 20 ans de fascisme en Italie et la parenthèse vichyste en France, cette offensive ouvrière est vécue comme une revanche. Il s’agit, pour nombre de contemporains, d’imposer le contrôle ouvrier, en même temps que de redresser les torts d’un patronat considéré coupable de la faillite morale du fascisme et de la collaboration.
En Italie, les comitati di liberazione aziendali deviennnent des consigli di gestione, appellation qui cache une grande diversité de situations. En France on parle surtout de Comités de Libération ou d’Entreprise puis de Conseils de Gestion ou de Comités Mixtes à la Production.
Ce moment d’extension du contrôle ouvrier, qui s’inscrit dans un mouvement plus large de grande radicalité politique et d’espoirs de changement systémiques, est assimilable à ce qu’avait connu l’Europe après la Première Guerre mondiale. L’ampleur exacte du phénomène est sujette à débat : Antoine Prost, par exemple, le voit comme un phénomène minoritaire tandis que Gerd-Rainer Horn souligne les intenses luttes de pouvoir à l’œuvre et les interprète comme une rébellion généralisée contre l’ordre ancien. Faire avancer ce débat est encore difficile, de par les insuffisances de l’historiographie.
Faire l’histoire de ce phénomène s’intègre dans une réflexion plus globale, sur ce moment où se développe l’État social en Europe, porté en France par un nouveau compromis keynésien, tandis qu’il peine à s’imposer en Italie, bien plus acquise à une approche libérale. On pourra s’interroger sur le rôle qu’a tenu ce moment conseilliste dans les destins opposés des deux pays. Les idéaux de collaboration entre capital et travail, partagés par de nombreux acteurs politiques et économiques dans les deux pays, ne se sont pas réalisés de la même manière et il s’agira de voir, en détail, comment et pourquoi. En Italie, la médiation de la Démocratie chrétienne échoue à trouver un compromis entre le projet libéral et celui socialo-communiste. Morelli voit dans le conseil de gestion « un organe qui aurait pu se révéler véritablement original et bénéfique, en tant que lieu de dialogue entre capital et travail à propos des problèmes de la production, dans le respect d’une autonomie idéologique et d’une liberté d’action réciproques. » Au-delà du seul débat historiographique, l’étude d’un tel sujet permet ainsi d’alimenter le débat, toujours actuel, sur la place des salariés en entreprise et la collaboration entre travail et capital.

Mots clés

Après-guerre, Italie, France, gestion ouvrière, industrie

Domaines de recherche de l'IDHE.S

Domaine 1 : TRAVAIL. Professions, frontières, politiques