Version française / Équipe / Chercheurs, Enseignants-chercheurs
- Libellé inconnu,
La grève. Perspectives analytiques et usages contemporains
Colloque co-organisé par l'AFS RT– 18 Relations professionnelles, le CMH, l'ANR Citindus,Triangle, l'IDHES, le CERAPS et le Cresppa.
du 8 juin 2023 au 9 juin 2023
L’actualité sociale de ces dernières années a été marquée par de nombreux conflits sociaux de grande ampleur, comme en témoigne la massive mobilisation contre la réforme des retraites entamée en janvier 2023. Ces luttes se sont déployées aussi bien à l’échelle interprofessionnelle (grèves contre la Loi Travail en 2016 et contre la réforme des retraites en 2019 et 2023) qu’à celle des entreprises (grève des cheminot·e·s en 2018, grèves de postier·e·s, grèves pour les salaires face à l’inflation). Elles ne sont pas cantonnées à la France puisqu’on les retrouve dans des pays, comme les États-Unis ou la Grande-Bretagne, qui se sont pourtant distingués par une extrême dérégulation du droit du travail et des politiques anti-syndicales et anti-grèves virulentes. De plus, ces grèves ont parfois pu se déployer en dehors des « bastions traditionnels » du mouvement ouvrier, à l’image des grèves des femmes de chambre, des ouvrier·e·s du secteur logistique, des livreurs·euses « ubérisé·e·s », des travailleurs·euses sans-papiers de la restauration ou de la construction. Enfin, la mobilisation de l’imaginaire de la grève hors du champ économique, par les mouvements féministes (grève des femmes contre les inégalités de salaires ou le travail domestique) et écologiques (grèves contre l’inaction climatique des gouvernements), témoigne a minima d’une certaine revitalisation politique et symbolique de cette modalité d’action.
Si elle n’a pas disparu, la grève apparaît cependant moins au cœur du répertoire d’action ouvrier et syndical depuis les années 1970 qu’elle ne l’était auparavant. Les usages de la grève se sont difficilement adaptés aux nouvelles contraintes économiques, légales et idéologiques qui caractérisent le capitalisme contemporain. Les restructurations du système productif et l’éclatement des collectifs de travail, l’affaiblissement des organisations syndicales et le durcissement des dispositifs légaux (restriction du droit de grève dans le privé, « service minimum » dans le public), ont contribué à la diminution du recours à la grève dans les économies occidentales. En France, par exemple, les grèves sont tendanciellement moins massives, plus souvent défensives et concentrées sur quelques secteurs (la fonction publique, les anciennes entreprises publiques de transport, quelques grandes entreprises de l’industrie).
Cette double dynamique est donc paradoxale. Elle nous invite à tirer le bilan des approches scientifiques de la grève et à étudier conjointement la continuité du répertoire d’action syndical et le renouvellement des pratiques grévistes. De ce point de vue, la grève a fait l’objet de nombreuses enquêtes ces dernières années, en mobilisant plusieurs approches disciplinaires et théoriques. Si l’impact économique de la grève et son lien avec les cycles économiques ne sont plus au centre des controverses scientifiques, en revanche de nombreux auteur·ice·s proposent un renouvellement des perspectives analytiques en repositionnant la grève comme principal instrument politique et symbolique de contestation ; en interrogeant les dynamiques de la grève à partir des concepts de la sociologie du travail et de la sociologie politique ; en lui appliquant des grilles de lecture féministes ou intersectionnelles pour la repenser à partir de ses marges. L’implication de nouveaux secteurs du salariat invite à interroger les frontières sociales de la pratique gréviste : qui fait grève et sous quelles conditions ? L’émergence de nouveaux acteurs grévistes peut donner l’image de mouvements spontanés, éruptifs, alors même que les formes imbriquées de domination et les obstacles matériels à surmonter sont toujours plus nombreux. Ces nouvelles figures de la grève invitent plutôt à penser les efforts politiques des organisations syndicales et des collectifs militants : quelles sont les stratégies et les ressources déployées pour favoriser la grève ? Identifier des formes de réactivation de l’apprentissage de la grève n’empêche pas d’observer également sa moindre centralité comme mode d’action des classes populaires. Les mouvements d’« occupation de places » en Espagne et dans les révolutions arabes ou le mouvement des Gilets Jaunes, basé principalement sur l’occupation des ronds-points et des grands axes routiers, en sont une illustration. Se pose alors la question de l’articulation de la grève avec ces modes d’action adaptés aux contraintes économiques et sociales qui contraignent les classes populaires mais qui leur offrent également des opportunités nouvelles de bloquer les flux économiques et de contester l’ordre social et politique. À l’inverse, la diffusion du vocabulaire de la grève aux modes d’action féministes et écologiques interroge les processus de réinvention pratique et d’extension symbolique de la grève.
Programme
Jeudi 8 juin 2023
10 h – 12 h Perspectives interdisciplinaires sur la grève dans le répertoire d’action collective
John Kelly | Birkbeck College, UK
Mobilization, Strategy and Narrative
Fanny Gallot | CRHEC
Grève de femmes, femmes en grève, grève féministe : perspectives historiographiques
Baptiste Giraud | Lest-Irisso
La dynamique des grèves au regard de la sociologie des mouvements sociaux
13 h 30 – 15 h 30 Recompositions du salariat et reconfigurations des rapports à la grève
Sophie Béroud | Triangle et Guillaume Gourgues | Triangle
Quand des cadres de direction se mobilisent, protester sans faire grève
Lucas Tranchant | Cresspa-CSU et David Gaborieau | Cerlis, membres du Groupe d’Enquête sur la Logistique
Une centralité fragmentée, grèves et blocages dans les entrepôts logistiques
Arthur Jan | LISE et Chloé Lebas | Ceraps
Quelle place pour la grève hors du salariat ? Conflictualités et répertoires d’action des livreurs de plateformes
16 h – 18 h Table-ronde avec des grévistes et des syndicalistes sur la mobilisation contre la réforme des retraites
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Vendredi 9 juin 2023
9 h 30 – 11 h 30 Les approches intersectionnelles de la grève
Salil Sapre et Maite Tapia | Michigan State University, USA
Reconceptualizing Labor Contestation by Marginalized Workers through Critical Race Theory
Saphia Doumenc | Triangle
Les femmes de chambre, des grévistes si improbables ? Pour une approche intersectionnelle des mobilisations de précaires
Laure Pitti | Cresppa-CSU
Politiser la condition de subalterne. Les grèves d’OS immigrés (post)coloniaux dans l’industrie automobile durant les ‘‘Trente Glorieuses’’
13 h – 15 h La grève : un prolongement des solidarités préexistantes ?
Carlotta Benvegnù | Cresppa-CSU – LEST
Pouvoir positionnel, pouvoir associatif et “pouvoir social “. Le contre-usage des réseaux migrants dans les grèves de la logistique en Italie
Rose Feinte | EHESS
Tenir la grève du Parisien Libéré (1973-1975), un travail de femmes
Gabriel Rosenman | CMH
L’équation de la solidarité. Les critères de répartition des caisses de grève, entre algèbres corporatives et arbitrages stratégiques
15 h 15 – 17 h 15 Aux frontières de la grève
Paula Varela | Conicet, Argentine – visio
What goes on strike with the International Women’s Strike?
Maud Simonet | IDHE.S – visio
La grève des bénévoles et des stagiaires, mise en visibilité et mise en valeur du travail gratuit
Magali Della Sudda | CED et Yann Le Lann | Ceries
Les revendications salariales dans le mouvement des Gilets Jaunes. Comment les rapports d’emploi provoquent une stratégie de contournement du cadre institutionnel de la négociation collective ?
Organisation
AFS RT– 18 Relations professionnelles
CMH UMR 8097
ANR Citindus
Triangle UMR 5206
IDHES UMR 8533
CERAPS UMR 8026
Cresppa UMR 7217
Mis à jour le 25 août 2023