Lignes d'effervescence en sociologie des groupes professionnels, 2017-2018

Dans le travail de tout chercheur, il existe des domaines familiers, dans lesquels une solide expérience a été acquise, et des domaines en cours d’exploration, où des investigations ont été engagées mais n’ont pas encore donné lieu à des connaissances reconnues et stabilisées. Pour le dire à la manière de T. Kuhn, l’activité de recherche comporte des aspects de « science normale » et des points d’effervescence, des pistes dans lesquelles on s’aventure pour aborder un domaine nouveau ou s’essayer à des cadres théoriques inhabituels.
C’est à la présentation de tels chantiers, à ces objets ou perspectives à l’état d’esquisse qu’est consacré ce séminaire : l’auteur-e sera invité-e à faire part de ses réflexions, ses choix et ses hésitations, sans cacher les difficultés ou les doutes qu’il rencontre.

 

Le séminaire est conçu à l’attention des étudiant-e-s du master "Études et recherches sociologiques", des chercheur-e-s de l’IDHES, des membres du département de sociologie de Nanterre, mais il est ouvert à l’ensemble des chercheur-e-s et doctorant-e-s intéressé-e-s.

À partir de l’étude socio-historique des conservateurs de musées en France depuis 1945, nous montrerons que l’autonomie des groupes professionnels ne se négocie pas seulement dans un face-à-face entre ses représentants et l’Etat mais tient aussi à ce qui se passe au sein du groupe, entre les segments qui le composent et s’opposent. Plusieurs processus se combinent pour alimenter ce que nous proposons d'appeler le "jeu des segments", mécanisme selon lequel un groupe professionnel parvient à infléchir les processus de décision publique qui affectent ses statuts et ses prérogatives du fait des luttes qui le traversent et non malgré elles. Tout en contribuant aux travaux récents sur les relations entre professionnels et réformes des services publics, notre communication propose donc de renouveler la lecture de l’antinomie classique entre unité et diversité des groupes professionnels.

Dans cette intervention il s’agit, comme le proposait E.C. Hughes, de mettre en avant des points communs entre différentes organisations du travail. Qu’est-ce qui permet de rapprocher dans l’analyse des groupes professionnels une profession prétentieuse, les médecins – ici de soins palliatifs –, et un métier indigne, les bûcherons ?

La constitution du groupe professionnel des directeurs d’hôpital a été la première étape d’un processus de création des différents corps de direction et groupes professionnels constituant le « monde des dirigeants hospitaliers ». La modernisation des hôpitaux et plus récemment l’avènement des règles du nouveau management public ont mis à l’épreuve la complémentarité de ces groupes professionnels au sein des hôpitaux et redéfini leurs interdépendances avec leur environnement. Mettre en lumière les luttes ou alliances passées entre eux et avec d’autres acteurs (Etat, organes régulateurs, élus, professionnels environnants…) permet de comprendre la dynamique de transformation de ces groupes professionnels en termes d’« écologies liées » (Abbott, 2003). En effet, dans les organisations hospitalières soumises aux contingences extérieures, les directeurs d’hôpital investissent la scène locale de l’action pour tenter de garder leur pouvoir, mais l’effet de ces stratégies reste incertain sur le maintien d’une écologie professionnelle favorable au groupe professionnel car la solidarité en son sein est devenue un enjeu syndical.

Cette communication portera sur la manière dont le processus d'internationalisation des grandes écoles d'ingénieurs affecte la formation et la professionnalisation de leurs élèves. On s'intéressera aux principes de clivage et de hiérarchisation internes à la profession en abordant successivement l'évolution des programmes pédagogiques des écoles, l'accroissement des séjours d'études à l'étranger ainsi que l'internationalisation des carrières.


Jeudi 12 avril 2018, 10 h 30 - 13 h
Olivier Crasset | université de Nantes, CENS
Maréchal-ferrant, un beau métier qu'on ne fait pas toute la vie